Un des aspects chouettes de mon boulot, c’est qu’on nous donne mille occasions de progresser. Déjà, au quotidien, on apprend la patience. On devient vite de drôles de caméléons capables de toutes les adaptations (et de toutes les dissimulations). Tous les jours, on reçoit de petits courriers dans nos casiers, qu’on est probablement les seuls au monde à pouvoir décrypter (et pas tout, encore) et qui nous disent ce que c’est qu’être bon dans notre boulot. N’allez pas croire que nos années d’études servent à nous mettre au diapason des exigences des élèves : elles nous préparent juste à essayer de comprendre ce qu’on attend de nous. Et des fois, je me dis que j’ai dû interrompre top tôt mes études…
Mais en plus de ce quotidien riche en enseignements, on a mis en place rien que pour nous, le P.A.F. dans ta goule (Plan Académique de Formation dans ta goule).Le plus souvent Des fois, on tombe sur des formateurs passionnants, des collègues qui réfléchissent pendant des années au sujet, ne cessent d’expérimenter des solutions et vous communiquent l’envie d’essayer des tas d’activités. D’autres fois, on est un peu moins conquis, mais enfin on en tire toujours quelque chose de positif : il y a toujours une idée ou deux à glâner.
A midi, on échange avec des collègues nos expériences de formation, parce qu’on est comme ça, nous, de vrais work alcoholics. C’est là qu’on entend parler pour la première fois de la Louve Blanche. Puis les témoignages alarmistes se multiplient. C’est une légende urbaine qui circule dans les milieux autorisés, sans doute très exagérée : les profs, ça n’arrête pas d’exagérer, de toute façon. Et de se plaindre, en plus. Personne ne peut être aussi incompétent et rester formateur aussi longtemps. Et puis tout échange est bon à quelque chose, non ?
Non. Je vous en conjure, il faut me croire : j’ai rencontré la Louve Blanche. Je vais essayer de vous faire le récit de cette rencontre avec le vide. Déjà, même quand elle a commencé à parler, la Louve Blanche donne l’impression qu’elle attend quelqu’un ; quelqu’un de sérieux qui viendrait la tirer de ce mauvais pas. Ça faisait très première partie de concert. L’assemblée sent très vite que quelque chose cloche: je n’ai jamais vu une foule devenir hostile aussi vite, et pourtant je suis prof ! La Louve commence par écouter nos questions ; est-elle soucieuse de satisfaire à nos attentes… ou n’a-t-elle rien préparé de sérieux ? Très vite, la question se pose. L’exercice tourne au remplissage de temps. Elle est très floue, se contredit, noie le poisson, en se montrant parfois désagréable. Il devient bien vite évident qu’elle n’est pas plus experte que nous. Bien sûr qu’elletraite est censée traiter un sujet délicat ; c’est même pour ça qu’on est venus si nombreux (il y a fort à parier que, si son nom avait été donné au moment des inscriptions, le stage aurai été annulé faute de participants).
Très vite, l’assistance ne l’écoute plus. D’ailleurs, elle a le charisme d’une poutre et ne sait pas s’imposer.Un silence relatif s’installe quand l’un de nous intervient, mais dès qu’elle reprend la parole, on comprend vite que ça ne sert à rien de tendre l’oreille. . A ma gauche, Poussinou me demande si je n’ai pas un BIBA qui traîne. A ma droite, Grégory me souffle : « tu pourras dire : JE SAIS, maintenant »
Pour meubler, elle a prévu de nous passer un extrait de film, pour nous montrer ses pratiques. Pourquoi pas. Dès son arrivée, elle avait vérifié avec un surveillant que le matériel marchait bien. Au moment de l’utiliser, damnation ! plus rien ne fonctionne ! Elle se démène pendant un quart d’heure dans l’indifférence générale. En fait, elle utilisait juste la mauvaise télécommande. Personnellement, je n’ai pas bien saisi ce qu’elle essayait de démontrer avec son film, si ce n’est qu’elle voulait nous repasser vingt fois la même séquence pour gagner du temps. Quelques répliques cultes, quand même :
- « là, on croirait que c’est du Schubert et en fait… c’est du Brahms ! » (fantastique, voilà de quoi tenir en haleine une vingtaine de collégiens)
- « vous voyez ! plein de maisons avec des fenêtres ! on voit bien, là, que ça va être un film d’espionnage »
- « ça se passe à la quarante dix-neuvième minute »
Moi qui suis un empathique né, je me suis senti trèèèèèèès mal à l’aise pour elle dès les premières minutes de son intervention. Pendant la pause déjeuner, on s’est tâtés pour savoir si on y retournerait ou si on arrêtait le massacre. Et bien, croyez-le ou non, on y est retourné. Première surprise, nous avions surestimé la déperdition des effectifs. Une petite dizaine de gens en moins seulement, comme quoi les profs ont une forte conscience morale.
Deuxième surprise : au bout d’une demi-heure, rien ne se passe vraiment. A vrai dire, même lorsque la Louve reprend la parole, on sent bien que rien ne se passera plus. Elle a distribué des textes, elle veut vaguement nous faire bosser dessus, mais impossible de comprendre ce qu’elle attend. On sent le lynchage imminent. « Vous préférez quoi ? On travaille tous sur un texte ou bien on travaille par groupe ? Qui est au collège ? Qui est au lycée ? Bah ! Travaillez par groupe d’affinités sur le texte que vous voulez ! On travaille ce texte-là, tout le monde est d’accord ? ». Au terme d’une série de consignes contradictoires, elle s’assoit et discute avec un petit groupe. Personne n’a compris ce qu’il faut faire, tout le monde discute. J’essaie mollement de me mettre au boulot, mais je sais déjà qu’Elle ne tirera rien de nos efforts. Il faut bien admettre que cette journée n’aura servi à rien. Trois quart d’heure passent encore. A côté de moi, quelqu’un émet la possibilité de quitter la salle. On est dix à se lever. Lorsqu’on passe devant la Louve, elle lève les yeux au ciel. Pas de doute, c’est nous les blaireaux. Elle n’a pas l’air de se remettre en question. Je serais incapable de faire ce qu’elle fait, trop de scrupules. Chapeau bas !
G.
Mais en plus de ce quotidien riche en enseignements, on a mis en place rien que pour nous, le P.A.F. dans ta goule (Plan Académique de Formation dans ta goule).
A midi, on échange avec des collègues nos expériences de formation, parce qu’on est comme ça, nous, de vrais work alcoholics. C’est là qu’on entend parler pour la première fois de la Louve Blanche. Puis les témoignages alarmistes se multiplient. C’est une légende urbaine qui circule dans les milieux autorisés, sans doute très exagérée : les profs, ça n’arrête pas d’exagérer, de toute façon. Et de se plaindre, en plus. Personne ne peut être aussi incompétent et rester formateur aussi longtemps. Et puis tout échange est bon à quelque chose, non ?
Non. Je vous en conjure, il faut me croire : j’ai rencontré la Louve Blanche. Je vais essayer de vous faire le récit de cette rencontre avec le vide. Déjà, même quand elle a commencé à parler, la Louve Blanche donne l’impression qu’elle attend quelqu’un ; quelqu’un de sérieux qui viendrait la tirer de ce mauvais pas. Ça faisait très première partie de concert. L’assemblée sent très vite que quelque chose cloche: je n’ai jamais vu une foule devenir hostile aussi vite, et pourtant je suis prof ! La Louve commence par écouter nos questions ; est-elle soucieuse de satisfaire à nos attentes… ou n’a-t-elle rien préparé de sérieux ? Très vite, la question se pose. L’exercice tourne au remplissage de temps. Elle est très floue, se contredit, noie le poisson, en se montrant parfois désagréable. Il devient bien vite évident qu’elle n’est pas plus experte que nous. Bien sûr qu’elle
Très vite, l’assistance ne l’écoute plus. D’ailleurs, elle a le charisme d’une poutre et ne sait pas s’imposer.Un silence relatif s’installe quand l’un de nous intervient, mais dès qu’elle reprend la parole, on comprend vite que ça ne sert à rien de tendre l’oreille. . A ma gauche, Poussinou me demande si je n’ai pas un BIBA qui traîne. A ma droite, Grégory me souffle : « tu pourras dire : JE SAIS, maintenant »
Pour meubler, elle a prévu de nous passer un extrait de film, pour nous montrer ses pratiques. Pourquoi pas. Dès son arrivée, elle avait vérifié avec un surveillant que le matériel marchait bien. Au moment de l’utiliser, damnation ! plus rien ne fonctionne ! Elle se démène pendant un quart d’heure dans l’indifférence générale. En fait, elle utilisait juste la mauvaise télécommande. Personnellement, je n’ai pas bien saisi ce qu’elle essayait de démontrer avec son film, si ce n’est qu’elle voulait nous repasser vingt fois la même séquence pour gagner du temps. Quelques répliques cultes, quand même :
- « là, on croirait que c’est du Schubert et en fait… c’est du Brahms ! » (fantastique, voilà de quoi tenir en haleine une vingtaine de collégiens)
- « vous voyez ! plein de maisons avec des fenêtres ! on voit bien, là, que ça va être un film d’espionnage »
- « ça se passe à la quarante dix-neuvième minute »
Moi qui suis un empathique né, je me suis senti trèèèèèèès mal à l’aise pour elle dès les premières minutes de son intervention. Pendant la pause déjeuner, on s’est tâtés pour savoir si on y retournerait ou si on arrêtait le massacre. Et bien, croyez-le ou non, on y est retourné. Première surprise, nous avions surestimé la déperdition des effectifs. Une petite dizaine de gens en moins seulement, comme quoi les profs ont une forte conscience morale.
Deuxième surprise : au bout d’une demi-heure, rien ne se passe vraiment. A vrai dire, même lorsque la Louve reprend la parole, on sent bien que rien ne se passera plus. Elle a distribué des textes, elle veut vaguement nous faire bosser dessus, mais impossible de comprendre ce qu’elle attend. On sent le lynchage imminent. « Vous préférez quoi ? On travaille tous sur un texte ou bien on travaille par groupe ? Qui est au collège ? Qui est au lycée ? Bah ! Travaillez par groupe d’affinités sur le texte que vous voulez ! On travaille ce texte-là, tout le monde est d’accord ? ». Au terme d’une série de consignes contradictoires, elle s’assoit et discute avec un petit groupe. Personne n’a compris ce qu’il faut faire, tout le monde discute. J’essaie mollement de me mettre au boulot, mais je sais déjà qu’Elle ne tirera rien de nos efforts. Il faut bien admettre que cette journée n’aura servi à rien. Trois quart d’heure passent encore. A côté de moi, quelqu’un émet la possibilité de quitter la salle. On est dix à se lever. Lorsqu’on passe devant la Louve, elle lève les yeux au ciel. Pas de doute, c’est nous les blaireaux. Elle n’a pas l’air de se remettre en question. Je serais incapable de faire ce qu’elle fait, trop de scrupules. Chapeau bas !
G.
1 commentaire:
Ah oui, je vois bien la conscience professionnelle et la préparation qu'aurait exigées une telle activité. Trop d'animateurs se fient à leur seule connaissance d'un sujet au lieu de prévoir qu'il faudra transmettre adéquatement cette connaissance et donc prévoir un peu comment réagiront les « apprenants » et quelles seront leurs attentes...
Mes sympaties ;o)
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