18 octobre, 2006

S.A.V.

De retour de week-end, j'ai eu la surprise de trouver dans ma boîte aux lettres la lettre d'une ancienne élève de Patelinvillers. Elle était en 3ème quand j'ai pris mon poste là-bas, tout juste avalisé par l'Institution. Le moins que l'on puisse dire, c'est que sa classe ne reste pas gravée en moi comme le groupe le plus sympathique que j'ai vu passer devant mon bureau (cela dit, j'ai vu bien pire, depuis). La gamine en question n'avait aucune responsabilité dans l'ambiance lamentable de cette classe : très mal dans sa peau, elle ne se faisait pas remarquer. Enfin, elle a fini par sortir du lot à sa façon...

Lorsqu'une gamine préfère louper sa récré pour demander au prof de lui expliquer comment ça marche un ablatif absolu, on se dit qu'il y a anguille sous roche. Quand elle glousse quand elle vous voit mettre du coeur dans vos explications, c'est carrément l'anaconda sous un galet. Et puis quelques jours après, elle reste à la fin du cours pour faire sa petite déclaration d'amour, sans rien attendre d'autre, apparemment, que de se libérer d'un poids. De mon côté, je suis resté étonnamment froid. Carrément polaire, en fait, mais évidemment pas méchant. Je n’étais même pas flatté, parce que c’est du prof qu’elle s’était entichée, pas de moi. Un grand classique de la vie adolescente. Elle ne m'en a plus jamais reparlé.

Et puis l’année est passée. Elle a quitté le collège, son brevet en poche, pour poursuivre sa route dans l’enseignement professionnel où elle devait, quelques mois plus tard, perdre totalement pied. Elle m’écrivit une gentille lettre où elle ne disait pas grand chose, et très mal. Je lui répondis avec beaucoup de distance, mais, je l’espère, un peu de chaleur. Il y eut encore une lettre, je crois, et puis quelques bonjours par l’intermédiaire de sa sœur restée au collège. Les choses en restèrent là, rien que de très normal. C’était il y a quatre ans.

Aujourd’hui, ça me fait tout drôle de me retrouver à lire une lettre d’elle. C’est très gentil, bien sûr, mais je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qu’elle attend vraiment. Sa lettre a quelque chose de pathétique : elle a été écrite avec énormément de soin, je le sens bien, mais la masse d’erreurs de langue me rappelle un peu le désert culturel d’où elle vient. Et puis comment réagir à une lettre où une gamine de 19 ans vous apprend qu’elle s’est mariée à 18 ans mais qu’elle vit de nouveau toute seule et que « ce n’est pas plus mal », et qui conclut sa lettre par un post-scriptum désespérant : « j’espère que vous vous souvenez de moi ». Ça m’a fait bizarre aussi de voir mon prénom dans l’en-tête (ouf ! elle s’en est tenue au vouvoiement !). Je ne me sens pas le cynisme de laisser sa lettre sans réponse, mais je ne sais trop quoi lui répondre…

G.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'aimerais pas être à ta place. Ne pas répondre est cruel, mais répondre n'est-ce pas encourager des rêveries qui ne feront que la mener nulle part? (voire sur le pas de ta porte, quelle horreur!!)

Anonyme a dit…

Ce qui est triste, c'est plus la manière dont tu en parles plutôt que la manière qu'elle a de te le dire... Parce que, elle, elle n'a aucun autre moyen de s'exprimé que ces quelques erreurs banales dans ce genre de milieux... Malheureusement pour elle, elle n'est pas tombé amoureuse d'un prof qui aurai pu transformer cet amour du prof en intéret pour la matière.

Elle a simplement eut à faire à un prof dont elle était naïvement tombé amoureuse, mais qui était trop cynique pour être chaleureux, et trop amer envers l'autre sexe, pour oser expliquer...

La déception est déjà dans le coeur de chaque Homme...

Genatte.