13 septembre, 2006

Le Village des Damnés

Moins d’un an après notre installation, ce chez nous que nous avons si ardemment désiré, si impatiemment attendu pendant d’incompréhensibles travaux de dépollution (on construit, on teste, on rase, on recommence) commence à prendre mauvaise tournure. Qu’elle me semble lointaine la satisfaction première, lointaines aussi les premières déconvenues, encore légères. Aujourd’hui, tout a laissé place à une immense répugnance. Moi qui suis un garçon pacifique et arrangeant, je me sens capable d’agresser physiquement tout employé de cette célèbre entreprise du bâtiment (et des médias) qui sous-traite leurs travaux à des boîtes qui elles-mêmes font appel à des intérimaires qui, cochons acharnés, connaissent la maçonnerie à peu près aussi bien que moi, qui suis manuel comme un manchot empereur.Tout à l’heure, le téléphone a sonné et, grâce à la technologie moderne, j’ai vu « Bouygues » s’afficher sur mon écran (oups, je l’ai dit). J’ai préféré filtrer l’appel, sous peine de me laisser emporter par la vague de rage que je sens poindre à chaque instant…

Je préfère d’ailleurs modifier la situation d’énonciation (truc de prof) de cet article pour endiguer tout remugle de haine. Soit Dame du haut, heureuse propriétaire de la bête du Gévaudan mais simple locataire d’un balcon aussi encombré que le souk de Marrakech, d’où tombent hebdomadairement objets contondants (croquettes de 1kg, planches de bois, ballons fluos…), bibelots en verre et seaux de bave au beau milieu de notre terrasse ; soit Schtroumpf, son fils de quatre ans.

Dame du Haut : « Schtroumpf, j’ai une grande nouvelle à t’annoncer : on va bientôt emménager dans une de ces ravissantes masures maisonnettes qui sont en train d’être torchées par X au nom de Y pour le compte de Z sur la commande de Bouy… construites en face. C’est chouette, hein ! Tu pourras te faire arracher la tête par la bête du Gévaudan dans un carré de pelouse de 8m2 jouer avec le chien dans le jardin, avoir un clapier fissuré une chambre rien que pour toi ! En plus, tu pourras jouer avec toute cette marmaille de créatures angoissantes et blondes qu’on croirait sorties d’un film de Wolf Rilla (The Village of the Damned, 1960) ou de Cronenberg, qui tournent en vélo autour du pâté de maisons des heures durant plein d’enfants hideux qui font la roue entre les voitures et se roulent dans la fange du chantier. Tu pourras aller explorer avec eux les abords empuantis boisés de la résidence, démonter le lit qui est en train de pourrir au début de la rue ou tripoter les restes des poubelles brûlées, vu que Bouygues (oups je l’ai dit) se défausse de ses responsabilités et laisse se détériorer ce qu’il n’a même pas fini de (faire faire faire) bâtir. Vivement qu’on déménage, hein ? »


G, vaguement misanthrope cet après-midi.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

De la fonction cathartique du blog : ça fait du bien de se défouler, hein?

Anonyme a dit…

Je suis assez d'accord, le bloguer ça défoule. Et puis c'est plus classe que d'aller chez Julien Courbet ;-)

Les Pitous a dit…

Cela dit, oui, vivement qu'elle déménage!