Un 24 décembre. Celui de mon année de CM2, je crois. J'étais fébrile. La matinée ne passait pas assez vite. Les Malheurs de Sophie en téléfilm ne suffisaient pas à donner un bon coup de fouet au temps... Quelle impatience de voir enfin mes écureuils de Corée, l'unique cadeau qui figurait sur ma liste!
Pourquoi ai-je ressenti si vivement le désir d'élever ces écureuils? Connaît-on jamais le mécanisme de nos envies? Je sais en revanche ce qui y a mis fin : l'immense dégoût qui suivit la mise à mort du père par sa progéniture incestueuse... Je ne pus plus jamais témoigner à mes écureuils le dévouement naïf de mes neuf ans.
G.
Je ne pourrais pas vous dire comment était né ce désir. Sans doute étais-je un peu jaloux des hamsters de mon frère - notez bien que je ne voulais pas du même animal : je voulais faire ma différence, mais pas trop quand même... Ce qui est certain, c'est que l'envie était impérieuse, obsédante. J'étais un garçon de lubies, et je pense l'être resté. Je m'enflamme assez vite pour tel ou tel objet; alors mon esprit tourne en boucle, à toute allure mais pas toujours pérennement... Et dans ces moments-là, mon corps ressent le besoin de se mettre en mouvement lui-aussi : il a toujours accompagné mon intellect ou mon affect dans leur bouillonnement.
A neuf ou dix ans, j'offrais déjà les symptômes de cette manie. J'allais et venais entre le salon et la cuisine où oeuvrait ma mère. Mon homme aurait dit de moi que je toupinais... Pour me déchargeais un peu de mon excitation, je fis part à ma mère de mon impatience. Quel chagrin lorsqu'elle me dit doucement que rien n'était sûr, que je ne savais pas encore quel serait mon cadeau! Il ne fallait pas tenir ainsi les choses pour acquises. Après tout, un animal, c'est beaucoup de responsabilités... Je ne sais pas quelle figure fut la mienne à l'écoute d'un tel discours qui signifiait forcément que je pouvais dire adieu à mes rêves d'écureuils... Pourtant, je ressens encore le picotement et l'ascension des larmes que je versai en secret.
Aux alentours de minuit, je baptisais du nom de Tic et Tac mes deux écureuils. La joie fut à la hauteur de la déconvenue du matin. C'était une belle leçon que d'accepter de ne pas avoir de certitudes. Au printemps, mon père éleva une volière au fond du jardin pour offrir aux deux rongeurs un vrai petit palais. Ils s'y plurent tant que - fait rarissime en captivité - Tic donna naissance à des petits. Il y avait là Tuc, Toc et Tigrec. Quel bonheur de rentrer dans leur immense cage, d'être entouré de toute cette virevoltante famille! Quelle galère aussi quand l'un d'entre eux profita d'un moment d'inattention pour s'aventurer au dehors! Il fallait être vigilant et rentrer au bon moment, sous peine de traquer le rongeur dans le jardin... Là encore, la leçon fut apprise.A neuf ou dix ans, j'offrais déjà les symptômes de cette manie. J'allais et venais entre le salon et la cuisine où oeuvrait ma mère. Mon homme aurait dit de moi que je toupinais... Pour me déchargeais un peu de mon excitation, je fis part à ma mère de mon impatience. Quel chagrin lorsqu'elle me dit doucement que rien n'était sûr, que je ne savais pas encore quel serait mon cadeau! Il ne fallait pas tenir ainsi les choses pour acquises. Après tout, un animal, c'est beaucoup de responsabilités... Je ne sais pas quelle figure fut la mienne à l'écoute d'un tel discours qui signifiait forcément que je pouvais dire adieu à mes rêves d'écureuils... Pourtant, je ressens encore le picotement et l'ascension des larmes que je versai en secret.
Pourquoi ai-je ressenti si vivement le désir d'élever ces écureuils? Connaît-on jamais le mécanisme de nos envies? Je sais en revanche ce qui y a mis fin : l'immense dégoût qui suivit la mise à mort du père par sa progéniture incestueuse... Je ne pus plus jamais témoigner à mes écureuils le dévouement naïf de mes neuf ans.
G.
4 commentaires:
Ah, ces malheureux écureuils incestueux et parricides ! Ils n'avaient donc pas été évangélisés ?
Faut-il aussi voir un signe dans l'amour des « T » : Tic, Tac, Tuc, Toc, Tigrec... Tramaque ?
Au delà de l'impertinence, Alcib est touché par ce souvenir d'enfance... Il a le coeur gros d'imaginer le Pitou G. déçu de ne pas pouvoir compter sur la certitude des écureuils attendus... La peine d'un enfant déchire toujours le coeur d'Alcib... La suite fut plus heureuse. Puis...
Heurts, Bonheurs, malheurs... rien que de très banal, en somme...
Ce qui semble banal avec un recul de plusieurs années ne l'est pas au moment où on le vit... Et pour un enfant, rien n'est banal. Serait-ce là l'idéal de l'adulte et la mesure de la maturité : la banalisation ?
Papa : « Tu seras un homme, mon fils ! »
Enfant : « Non, non, je vous en prie, je ne veux pas »
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