Ce net-journal fait long feu. Tant par les visites qu'il reçoit que par les articles écrits. A mon rythme, cependant, je complète ma mémoire...
Sarah est une autre figure de mon passé. Je débarquais tout juste en hypokhâgne et jouissais de la réputation non-usurpée d'être peu liant. Je ne veux pas dire par là que j'étais une mayonnaise ratée, mais que, timide et peu à l'aise socialement, je n'étais pas enclin à aller vers les autres. Pourtant dans certaines circonstances critiques, on peut se sentir très proche de qui partage notre sort : quand on passe le permis de conduire ou lors d'un séjour à l'hôpital, on a l'occasion de le vérifier. Il est des amitiés troublantes qui naissent comme des évidences.
Un jour de rentrée dans une ville inconnue, dans le monde un peu flou du post-bac, c'est ce qu'on appelle une situation critique. Pourtant, je ne faisais pas tout seul ce grand pas : j'avais à mes côtés deux proches amies (qui auront droit à leurs spectralia respectives) et une vague connaissance dont j'étais persuadé qu'elle me prenait pour un con et de la bouche de laquelle j'appris plus tard que je l'intimidais juste un peu - une constante de ma vie sociale adolescente : j'avais tendance à imaginer un peu vite qu'on me méprisait allègrement. Ce travers m'est-il passé, du reste? Laissons la question en suspens, ou nous n'en finirons pas.
En ce jour de rentrée au lycée Infini, mes deux amies ont passé beaucoup de temps ensemble - elles n'imaginaient pas alors que leur amitié ne survivrait pas à une trop grande proximité. Je me retrouvai donc en tête-à-tête avec mes angoisses. C'est alors que Sarah est entrée dans ma vie. La rencontre fut si naturelle, l'intimité si immédiate que tous les autres nous imaginaient complices depuis des lustres. Nous nous étions juste trouvés au bon moment. J'avais le sentiment de pouvoir dépendre d'elle sans avoir le sentiment de jouer les ventouses; sans doute était-ce parce qu'elle avait compris qu'elle pouvait un peu se reposer sur moi. Les garçons qui aiment les garçons, Sarah les appelaient des Canada dry : la couleur de la bière sans en avoir l'amertume. Elle fut la seconde amie à apprendre que j'appartenais à l'immense famille des sodas.
Nous avons fini par nous éloigner. Plus tôt que je ne l'aurais cru, puisque nous avons continué de nous côtoyer sans retrouver cette force des débuts, comme c'est souvent le cas. J'étais peut-être un peu volage en amitié : son amour pour la langue allemande, amante ingrate qui la malmenait parfois, lui prenait beaucoup de temps. J'ai fini par aller voir ailleurs (je suis allé me faire voir chez le Grec et un autre groupe de filles). Est-elle là, l'explication de cette fin ou est-ce une fiction de ma mémoire? Pourrais-je m'avouer que cette amitié-là avait un petit goût de Canada dry?
Je te dois pourtant de la gratitude, Sarah, et beaucoup de tendresse. C'est l'objet des Spectralia.
G.
Sarah est une autre figure de mon passé. Je débarquais tout juste en hypokhâgne et jouissais de la réputation non-usurpée d'être peu liant. Je ne veux pas dire par là que j'étais une mayonnaise ratée, mais que, timide et peu à l'aise socialement, je n'étais pas enclin à aller vers les autres. Pourtant dans certaines circonstances critiques, on peut se sentir très proche de qui partage notre sort : quand on passe le permis de conduire ou lors d'un séjour à l'hôpital, on a l'occasion de le vérifier. Il est des amitiés troublantes qui naissent comme des évidences.
Un jour de rentrée dans une ville inconnue, dans le monde un peu flou du post-bac, c'est ce qu'on appelle une situation critique. Pourtant, je ne faisais pas tout seul ce grand pas : j'avais à mes côtés deux proches amies (qui auront droit à leurs spectralia respectives) et une vague connaissance dont j'étais persuadé qu'elle me prenait pour un con et de la bouche de laquelle j'appris plus tard que je l'intimidais juste un peu - une constante de ma vie sociale adolescente : j'avais tendance à imaginer un peu vite qu'on me méprisait allègrement. Ce travers m'est-il passé, du reste? Laissons la question en suspens, ou nous n'en finirons pas.
En ce jour de rentrée au lycée Infini, mes deux amies ont passé beaucoup de temps ensemble - elles n'imaginaient pas alors que leur amitié ne survivrait pas à une trop grande proximité. Je me retrouvai donc en tête-à-tête avec mes angoisses. C'est alors que Sarah est entrée dans ma vie. La rencontre fut si naturelle, l'intimité si immédiate que tous les autres nous imaginaient complices depuis des lustres. Nous nous étions juste trouvés au bon moment. J'avais le sentiment de pouvoir dépendre d'elle sans avoir le sentiment de jouer les ventouses; sans doute était-ce parce qu'elle avait compris qu'elle pouvait un peu se reposer sur moi. Les garçons qui aiment les garçons, Sarah les appelaient des Canada dry : la couleur de la bière sans en avoir l'amertume. Elle fut la seconde amie à apprendre que j'appartenais à l'immense famille des sodas.
Nous avons fini par nous éloigner. Plus tôt que je ne l'aurais cru, puisque nous avons continué de nous côtoyer sans retrouver cette force des débuts, comme c'est souvent le cas. J'étais peut-être un peu volage en amitié : son amour pour la langue allemande, amante ingrate qui la malmenait parfois, lui prenait beaucoup de temps. J'ai fini par aller voir ailleurs (je suis allé me faire voir chez le Grec et un autre groupe de filles). Est-elle là, l'explication de cette fin ou est-ce une fiction de ma mémoire? Pourrais-je m'avouer que cette amitié-là avait un petit goût de Canada dry?
Je te dois pourtant de la gratitude, Sarah, et beaucoup de tendresse. C'est l'objet des Spectralia.
G.
2 commentaires:
Excellent le "Canada dry"!!!! C mignon!!!!!! R.
je crois que c'était un peu le problème avec elle, à l'époque. Tout était un peu trop gnan-gnan...
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