Quand je vois mes terminales s'échanger des petits mots en cours, se superpose à mon irritation une nostalgie aiguë. Pourtant, mes années lycée ne sont sans doute pas les plus heureuses de ma vie. Je n'ai pas effectué ma scolarité dans un de ces établissements d'outre-atlantique (enfin, outre-atlantiquement télévisuels) où la popularité semble l'emporter sur les résultats scolaires, mais il me semble que ma cote n'était pas des plus élevées. Pas non plus au ras des paquerettes. En fait, je crois que socialement, dans ce bahut, je n'étais pas loin de ne pas exister. En fin de première et en terminale, les choses ont cependant changé.
Ma chrysalide, ce fut ces longs couriers que j'échangeais quotidiennement avec des amies, en particulier avec Myme. Moi qui suis à moi tout seul les archives de la République, j'ai conservé scrupuleusement toutes ses réponses, à travers lesquelles je devine mes propres missives. Le souvenir s'en estompe, cependant, et la certitude que je ne pourrais jamais poser les yeux sur mon propre témoignage me laisse amer. Mais c'est le propre de ces spectralia d'être engloutis par le passé.
Myme fut celle pour qui j'affinais mes pensées, pour qui je gagnais en profondeur et en lucidité. J'affutai aussi mes sentiments et la connaissance de moi-même à force de donner corps à mes émotions. Formuler, c'est se construire; ces lettres furent mes fondations. C'est le jour où je lui ai écrit ma préférence pour les garçons que cette préférence est née, tant il est vrai que l'informulé n'est pas réalité. Je désirais d'autres garçons avant cette confidence, bien sûr, et je dirais même que j'en avais conscience. Néanmoins, tant que je n'avais pas nommé ce désir, il se mêlait à la masse indistincte de ma vie affective.
Pourtant, le mot n'est pas le monde. Peut-être qu'en affirmant mon homosexualité, j'ai émondé et appauvri mon être, que j'ai rayé trop tôt bien des possibles. Mûrir, c'est réduire?
Myme a sans doute été à cette période la personne la plus importante de ma vie. Celle-ci ne tournait-elle pas exclusivement autour de notre correspondance? Priorité des priorités, elle coiffait au poteau dissertations et devoirs (rassurez-vous, je faisais malgré tout le bonheur de mes professeurs ;-)). Savoir que mon amie la plus intime serait près de moi après le bac, en classe préparatoire, fut un immense réconfort, puis une désillusion immense.
Même pas de rupture. Juste un long et irrémédiable éloignement. Nos efforts pour nous rapprocher ne faisaient que souligner le malaise : on ne se comprenait plus très bien, nos perceptions respectives de cet après-bac étant aux antipodes. Les silences autrefois sereins, complices, étaient apesantis de gêne, et c'était bien la dernière chose que nous partagions...
Lorsqu'elle a quitté la prépa, je ne crois pas avoir été consulté. L'ai-je appris presque par accident? je ne saurais dire, mais les jeux étaient faits sans que j'ai eu le temps de miser.
La dernière image que j'ai de Myme, c'est une image volée. Je l'ai croisée dans les rues de C., les yeux rivés sur son portable, les traits arrondis. Elle ne m'a même pas vu...
G.
Ma chrysalide, ce fut ces longs couriers que j'échangeais quotidiennement avec des amies, en particulier avec Myme. Moi qui suis à moi tout seul les archives de la République, j'ai conservé scrupuleusement toutes ses réponses, à travers lesquelles je devine mes propres missives. Le souvenir s'en estompe, cependant, et la certitude que je ne pourrais jamais poser les yeux sur mon propre témoignage me laisse amer. Mais c'est le propre de ces spectralia d'être engloutis par le passé.
Myme fut celle pour qui j'affinais mes pensées, pour qui je gagnais en profondeur et en lucidité. J'affutai aussi mes sentiments et la connaissance de moi-même à force de donner corps à mes émotions. Formuler, c'est se construire; ces lettres furent mes fondations. C'est le jour où je lui ai écrit ma préférence pour les garçons que cette préférence est née, tant il est vrai que l'informulé n'est pas réalité. Je désirais d'autres garçons avant cette confidence, bien sûr, et je dirais même que j'en avais conscience. Néanmoins, tant que je n'avais pas nommé ce désir, il se mêlait à la masse indistincte de ma vie affective.
Pourtant, le mot n'est pas le monde. Peut-être qu'en affirmant mon homosexualité, j'ai émondé et appauvri mon être, que j'ai rayé trop tôt bien des possibles. Mûrir, c'est réduire?
Myme a sans doute été à cette période la personne la plus importante de ma vie. Celle-ci ne tournait-elle pas exclusivement autour de notre correspondance? Priorité des priorités, elle coiffait au poteau dissertations et devoirs (rassurez-vous, je faisais malgré tout le bonheur de mes professeurs ;-)). Savoir que mon amie la plus intime serait près de moi après le bac, en classe préparatoire, fut un immense réconfort, puis une désillusion immense.
Même pas de rupture. Juste un long et irrémédiable éloignement. Nos efforts pour nous rapprocher ne faisaient que souligner le malaise : on ne se comprenait plus très bien, nos perceptions respectives de cet après-bac étant aux antipodes. Les silences autrefois sereins, complices, étaient apesantis de gêne, et c'était bien la dernière chose que nous partagions...
Lorsqu'elle a quitté la prépa, je ne crois pas avoir été consulté. L'ai-je appris presque par accident? je ne saurais dire, mais les jeux étaient faits sans que j'ai eu le temps de miser.
La dernière image que j'ai de Myme, c'est une image volée. Je l'ai croisée dans les rues de C., les yeux rivés sur son portable, les traits arrondis. Elle ne m'a même pas vu...
G.
1 commentaire:
émouvant.
ravie qu'elle ait ressurgi sur FB ! (c chouette, qd même, FB, et l'outil informatique en général....)
A suivre !
Enregistrer un commentaire