Carène/Karen Chéryl alias Isabelle Morizet
Inoubliable animatrice d’une émission oubliée (
Vitamine, TF1, programme jeunesse), comédienne de talent dans
Les Filles d’à côté (AB production, TF 1 ), Isabelle Morizet a surtout fait carrière – et quelle carrière ! – dans la musique. C’est la variétoche italienne qui lui inspira, semble-t-il , la plupart de ses chansons, même si on note d’autres
emprunts influences, voire des créations originales ( ???)
Ce n’est pas pour rien que de très nombreuses jeunes filles en fleur doivent leur second prénom à la vice-reine du sexy-disco (on ne détrône pas ainsi la grande
Amanda, la reine
Lear, immortalisée par
Shakespeare) !
1)
Oh Mama Mia (1976)
Avec cette très belle réécriture du
Mama Mia d’
ABBA, celle qui n’est encore que Carène Chéryl, nous offre un joyau, un éblouissant réseau d’analogies. Mama mia est un vibrillonant hommage à la longue tradition apophtegmatique. Preuves à l’appui :
De la poche d'un clown peuvent jaillir des étoiles
Pour l'instant toi tu joues à me faire des rivales
Mais attention car mon cœur n'est pas comme un ballon
Que tu peux lancer dans les airs et laisser retomber par terre
Notez qu’il s’agit là des premières paroles ! et en quelques vers, c’est tout un univers qui s’impose à un auditeur un rien déboussolé, mais charmé. Un peu plus loin, un autre aphorisme continue, aujourd’hui encore, d’alimenter ma réflexion :
Quand tu blesses une fleur, elle ne peut se défendre
On n'est jamais vainqueur de qui a le cœur tendre
Trop bohême… Je n’étais pas né, mais qu’importe : cette chanson est un classique.
2)
Show me you're man enough / La marche des machos (1980)
Grande spécialiste de la psychologie et du comportement masculins, Karen nous gratifie de deux versions différentes de sa thèse de fin d’étude, l’une en anglais, l’autre en français (pas en italien ?). Je me concentrerai évidemment sur la version française, la seule dont je puisse apprécier toutes les subtilités.
Plongé
in medias res, l’auditeur écoute la jeune chanteuse solliloquer : imaginez une donzelle en boîte qui observe et commente avec force ironie les dragueurs couillus qui font leur show. Tout commence donc par du parlé sur fond musical (Mais regardez-le, ce sourire ravageuheur, son œil de velouhouhours, sa démarche assurée… qu’il est drôle !) avant de devenir chanson à part entière :
Ils ont l’œil andalou
Et le blazer blasé (notez la paronymie)
Le sourire dents de loup (notez la métaphore chaperonnesque)
Et l’humour tamisé
Notre éthologue dévoile toute sa connaissance de l’homme, « frimeur de flipper » dans le refrain :
La marche des machos
Charmeurs qui font leur show
Qui s’prennent pour des géants
Et qui sont des enfants
Bien maligne, la Karen, mais sous ses dehors de cynique, n’est-elle pas attendrie ?
Touuuuuuuus des ma’chohohohohos ouhouhou ! 3)
Les nouveaux romantiques (1981)
À l’heure du SMS, ce palimpseste de Sara perche ti amo trouve une nouvelle actualité. La thèse des
Nouveaux Romantiques est que la technologie n’empêche pas les grands mouvements de l’âme. Nourri de références historiques improbables (« le courage de Danton » parce que ça rime avec chanson) ou littéraires plus téléphonées – c’est le cas de le dire – (« Que Romeo me pardonne,c’est fini Vérone, laisse tomber y a plus personne ») ou encore cinématographiques (« la dolce vita, c’est se retrouver chez nous », « théorème » : les maîtres italiens sont évidemment convoqués), ce titre multiplie aussi les incongruités enthousiasmantes : « il a l’émotion de notre génération », « boulevard périphérique sur nos motos héroïques », « symphonie mécanique» etc… C’est à la fois un hit et une chanson à thèse, moi je dis bravo !
4)
Oh cheri cheri (1982)
C’est un nouvel exemple des influences italiennes sur la grande Karen : quelques interventions d’un chanteur outre-alpin viennent nous le rappeler. Inutile d’épiloguer, respectons les volontés de l’artiste :« moins de paroles plus de musique ».
Oui, ok, mais comment faire l’impasse sur des perles comme : « avec toi c’est cosmologique » ? Osons-le, ce texte signé
D. Barbelivien est un parfait décryptage du « sentiment élastique » qu’est l’amour.
5)
À l'envers à l'endroit (1987)
C’est LE chef d’œuvre de la chanteuse, sans contredit possible : sensuel, poétique, élégiaque et dansant. Qui ne le connaît pas DOIT l’écouter et l’écouter encore ! Il dégage tant d’érotisme qu’il est à l’origine d’un mémorable lapsus à l’antenne de
JP Foucault, annonçant sur son plateau « Par devant, par derrière », ce qui n’est finalement qu’une réappropriation du sens.
G.