28 janvier, 2006

A venir

Juste le temps pour moi de sortir de la mouise dans laquelle ma nonchalance m'a fourré.

G

26 janvier, 2006

Double discours

Mon principal, qui a civilement observé sur ma notation administrative que je faisais "rayonner le latin au sein de l'établissement", a eu une bien curieuse façon de m'inviter à signer le-dit document. Admirez le décalage - un cas d'école - entre l'intention et le message supposé : "Ah, monsieur S., vous êtes la dernière personne que je voulais voir!"
A-t-il seulement eu conscience de ce double discours?

G.

Paranoïa 2

Ce joli surveillant que je salue me sourit-il ou se moque-t-il de moi?

G

25 janvier, 2006

Princesse 2

Qui m'emmène danser ce soir?
Comment ça, je me lève à 6 heures, demain?

Rabat-joie!

G.

Dilemme

Ma crinière commence à faire pitié. Je devrais me décider à prendre rendez-vous chez le coiffeur. Mais tiraillé entre ma loyauté et mon envie de nouveauté, je laisse la décision en suspens.
Changer de coiffeur ou pas?

G.

Spectralia 4

Quand je vois mes terminales s'échanger des petits mots en cours, se superpose à mon irritation une nostalgie aiguë. Pourtant, mes années lycée ne sont sans doute pas les plus heureuses de ma vie. Je n'ai pas effectué ma scolarité dans un de ces établissements d'outre-atlantique (enfin, outre-atlantiquement télévisuels) où la popularité semble l'emporter sur les résultats scolaires, mais il me semble que ma cote n'était pas des plus élevées. Pas non plus au ras des paquerettes. En fait, je crois que socialement, dans ce bahut, je n'étais pas loin de ne pas exister. En fin de première et en terminale, les choses ont cependant changé.

Ma chrysalide, ce fut ces longs couriers que j'échangeais quotidiennement avec des amies, en particulier avec Myme. Moi qui suis à moi tout seul les archives de la République, j'ai conservé scrupuleusement toutes ses réponses, à travers lesquelles je devine mes propres missives. Le souvenir s'en estompe, cependant, et la certitude que je ne pourrais jamais poser les yeux sur mon propre témoignage me laisse amer. Mais c'est le propre de ces spectralia d'être engloutis par le passé.
Myme fut celle pour qui j'affinais mes pensées, pour qui je gagnais en profondeur et en lucidité. J'affutai aussi mes sentiments et la connaissance de moi-même à force de donner corps à mes émotions. Formuler, c'est se construire; ces lettres furent mes fondations. C'est le jour où je lui ai écrit ma préférence pour les garçons que cette préférence est née, tant il est vrai que l'informulé n'est pas réalité. Je désirais d'autres garçons avant cette confidence, bien sûr, et je dirais même que j'en avais conscience. Néanmoins, tant que je n'avais pas nommé ce désir, il se mêlait à la masse indistincte de ma vie affective.
Pourtant, le mot n'est pas le monde. Peut-être qu'en affirmant mon homosexualité, j'ai émondé et appauvri mon être, que j'ai rayé trop tôt bien des possibles. Mûrir, c'est réduire?

Myme a sans doute été à cette période la personne la plus importante de ma vie. Celle-ci ne tournait-elle pas exclusivement autour de notre correspondance? Priorité des priorités, elle coiffait au poteau dissertations et devoirs (rassurez-vous, je faisais malgré tout le bonheur de mes professeurs ;-)). Savoir que mon amie la plus intime serait près de moi après le bac, en classe préparatoire, fut un immense réconfort, puis une désillusion immense.
Même pas de rupture. Juste un long et irrémédiable éloignement. Nos efforts pour nous rapprocher ne faisaient que souligner le malaise : on ne se comprenait plus très bien, nos perceptions respectives de cet après-bac étant aux antipodes. Les silences autrefois sereins, complices, étaient apesantis de gêne, et c'était bien la dernière chose que nous partagions...
Lorsqu'elle a quitté la prépa, je ne crois pas avoir été consulté. L'ai-je appris presque par accident? je ne saurais dire, mais les jeux étaient faits sans que j'ai eu le temps de miser.

La dernière image que j'ai de Myme, c'est une image volée. Je l'ai croisée dans les rues de C., les yeux rivés sur son portable, les traits arrondis. Elle ne m'a même pas vu...

G.

Metaphysis 4

Mais que devient Narcise sans Echo?

24 janvier, 2006

24 janvier 1999

Aujourd'hui, 7 ans de bonheur.
A toi, mon homme.

Rêve

Quand Guillaume se pique de faire des rêves hétérotiques, c'est chaud, mais burlesque.

G.

23 janvier, 2006

Ab origine

La scène a déjà été jouée trois cent fois à la cantine du collège de Patelinvillers : très à l'aise dans son rôle d'homme du cru, M. se pose en Picard pure souche... Histoires drôles avec l'accent, les vocables assortis et une bonne couche d'autodérision quand il note le comique de ces gens qui s'efforcent de parler un français standard, mais ne peuvent s'empêcher de conclure par un hein! ou un quoi! bien senti, rattrapés par leurs racines.

Me sentant plus de dispositions naturelles pour l'ombouligue que pour la boudinette, j'ai tôt fait de me lasser de tout ce folklore picard. Ce n'est pas du mépris, même si cet accent m'agresse et qu'il est, quoiqu'on en dise, socialement très marqué (cf.supra). Les cottes à bertelles et les laparis (?), ça va bien deux minutes. Lorsque mes collègues, à 80% couleur locale (couleur... betterave... que j'aime ta couleur...) remarquèrent mon peu d'enthousiasme, la fantaisie leur prit de m'interroger sur les variantes normandes. Je leur répondis d'un ton sans appel - histoire de passer pour le snob de service, une fois de plus- : "Je ne sais pas, je ne suis pas normand". En une poignée de mots et de secondes, j'avais balayé un mythe patiemment édifié depuis trois ans et demi, reniant mon amour du cidre devenu proverbial au collège. Venant de Basse-Normandie, il me semblait logique d'être qualifié de "normand"; n'était-il pas préférable de passer pour tel que pour un picard (quelle origine peut inspirer davantage de pitié?)?

J'entendis alors le conseiller d'orientation-psychologue (très) remarquer : "il (comprendre ma pomme) doit avoir un problème d'identité".
Même si je n'ai pas goûté l'usage de la 3ème personne, force est de reconnaître qu'il n'a pas tout à fait tort : je me suis bâti une identité régionale de toutes pièces, sans jamais douter qu'il s'agisse d'une façade. Alors bien sûr, il m'arrivait de dire "Heu là, qu' chuis gêné" (enfin, pas trop) et d'ouvrir une porte en appuyant sur la clenche. Bien sûr que j'usais du normand "ça va le faire", idiome récupéré par le jeunisme. Mais de là à couler un pull, ne comptez plus sur moi! En vérité, je suis le pur produit d'une France jacobine, centralisée, standardisée, lissée et botoxée : en un mot, a-régionale. Les prétentions indépendantistes, à mes yeux incompréhensibles, m'effraient quand elles ne m'amusent pas.

Mais qui pourrait m'en blâmer? Mon grand-père maternel est né en Indochine de mère italienne; ma grand-mère maternelle est ardéchoise et provençale. Fille d'officier, ma mère n'a cessé de déménager dans son enfance, y compris de l'autre côté de la mare nostrum. Mon grand-père paternel était bougnat; ma grand-mère paternelle parisienne avec des ascendants bretons. Quant à moi, je suis né en région parisienne, tout aussitôt quittée pour la Normandie. Alors, votre verdict? Je suis quoi, moi?
Les particularismes du terroir ne sont définitivement pas pour moi!

G.

De Somno jucundissimo

Je suis sidéré par cette espèce d'hommes - mon homme est de ceux-là - incapables de grasse matinée. Qu'on puisse affirmer sans ciller qu'on n'aime pas dormir, que c'est une perte de temps me laisse baba. C'est comme un manquement au genre humain, une transgression.
On m'a appris très tôt à voir dans le lit un lieu de plaisir, contact premier qui ne fut jamais démenti! Tout petit, j'allais me coucher de mon propre chef; si j'en crois mes parents, il m'est même arrivé d'aller me coucher sans qu'ils s'en aperçoivent... Bien sûr, à l'âge où dormir signifiait interrompre un jeu ou un film, je me suis fait prier. Mais me glisser sous la couette ne fut jamais vécu comme une contrainte.

Moi, le frileux, j'aime jusqu'au froid des draps que l'on vient d'ouvrir, parce que je sais et je sens qu'ils se réchauffent. J'aime cette idée que cette chaleur est la mienne, simplement emprisonnée par le dôme de la couette. Il me semble alors que j'irradie. Bien souvent, me concentrer sur cette impression suffit à me faire basculer dans le sommeil. Trouver refuge dans un lit déjà chauffé par V., tout auprès de son corps, participe d'une volupté encore supérieure. Le sentir réagir à ma venue est sans nul doute le moment le plus doux que je connaisse.

Vers dix ans, revenant de Gironde où nous avions visité la demeure familiale de Montaigne, je me découvris un modèle. Comme cet illustre prédecesseur, je m'éveillerais désormais dans la nuit pour le seul plaisir de me rendormir. Je réglai mon radio-réveil sur cinq heures, geste que j'ai renouvelé quotidiennement pendant de nombreux mois.
Depuis, j'ai fait taire ce réveil matutinal. Mais c'est encore un bonheur lorsqu'il m'arrive de m'éveiller avant cinq heures et que j'ai le loisir de me laisser pénétrer par la douceur et l'engourdissement.

G.

22 janvier, 2006

Ambition réussite

"C'est bien simple, la seule fois où B. a pris son cours, c'était pour prouver à ses camarades qu'il pouvait écrire avec des moufles!"

19 janvier, 2006

Princesse

Quand j'étais en Cm2, j'ai travaillé sur le film "L'Histoire sans fin". A la question du maître "quel personnage aimeriez-vous être?", les réponses des élèves oscillaient entre les deux héros. C'était du genre "Je voudrais être Bastien (incroyable que je me souvienne du nom!) pour vivre de folles aventures" ou "Je serais Atreyu (encore plus bluffante ici, ma mémoire)! parce qu'il est courageux!"
Deux olibrius firent exception. Un dénommé Raphaël, un rigolo, qui aurait voulu être le dragon gentil. Et votre serviteur, bien sûr. Enfin, serviteur... Voilà ce que j'avais écrit : "Je voudrais être la princesse dans la Tour d'Ivoire, parce qu'elle ordonne, ne fait rien et attend que ça se passe".

La honte quand le maître a lu ça à la classe en louant mon originalité! Remarquez, lecteurs fidèles, que c'est le même qui m'avait entendu promettre, en enfilant un serre-tête : "je les aurais tous". Il savait. Forcément...

G.

Monsieur Retard

Cette semaine, deux charmantes élèves de classes différentes ont ironisé sur mes délais de traitement de copies:
"Monsieur, ne donnez pas de nouveau devoir, après ça va vous faire des copies et comme vous êtes déjà débordé..." Oui Cléa, tu as raison, je ne sais déjà plus où donner des pouces entre vos rédactions et notre quête de la régénération du monde dans Tales of Symphonia (excellent jeu d'heroic fantasy)
" Je vous rendrai vos copies jeudi (en fait non!).
- Oui, ou à Pâques..." Clara, j'ai bien failli me fâcher tout rouge après toi, avec observation écrite et punition, mais devant ton sourire malicieux la drôlerie (et la justesse... malheur!) de ta répartie, j'ai choisi d'arborer le sourire "pas de scandale en public".
Je ne dirai rien de la remarque déroutante d'un excellent élève : "Monsieur, on est trop fort pour vous!" Merci Gilbert (tiens, un moche pseudo pour toi!), je n'oublierai pas...

Un peu d'ordre dans mes pratiques professionnelles? Oui, si je ne veux pas intituler mon prochain texte "Monsieur Laxiste"!

V.

Monsieur Maladroit

Hier soir j'ai consécutivement:
- raté la cuisson des oeufs durs.
- fait exploser dans ma main un des oeufs pour voir s'il était vraiment dur à l'issue de la cuisson.
- éclaboussé mur, parquet et radiateur avec l'oeuf qui n'était pas dur mais "à la coque".
- mis reliefs de coquille et traces d'oeuf mal cuit sur la partie externe du sac poubelle.

Décidément, les ovules ne me réussissent pas.

V.

18 janvier, 2006

Intertextualité bloggesque

J'aime quand les blogs aimés croisent le mien. J'aime les échos, les pierres de touche.
J'aime qu'un divin hasard fasse éclore un "Bleu horizon" dans les yeux cannelle de Rafaele le jour où je vois le monde Bleu Picardie.

J'aime que les mélopées de l'intarissable khoyot s'égrènent dans des blogs inconnus.
J'aime que la réflexion de l'un fasse germer les pensées de l'autre, en réseau.
Ecrire sur un blog, c'est écrire en même temps que les autres. Jamais le web n'a aussi bien mérité son nom de toile.

G.

Spectralia 3

Le troisième Spectralia est un collectif. Du moins, c'est ainsi qu'il commence.

Je voulais vérifier, comme tout professeur paranoïaque qui se respecte, que je n'apparaissais pas dans un blog. J'ai donc lancé une recherche sur google en inscrivant l'un de mes établissements d'exercice. J'ai finalement atterri sur un site dont j'avais déjà vaguement entendu parlé : copainsdavant.com.
Evidemment, n'ayant rien d'autre de mieux à faire (corriger des copies urgentes? préparer un cours? bah tiens!), je me suis mis à rechercher le lycée où j'ai suivi ma scolarité.

Inlassablement, j'ai lu plus d'un millier de noms, tombant sur de lointaines connaissances. Même si dans le lot, je ne compte que très peu d'anciens amis (Saby, tu aurais pu mettre une photo; je m'étonne cela dit que tu n'aies pas quitté le lycée A. depuis 1994!), j'ai senti l'émotion grimper. Hélas, le court profil chichement renseigné par les membres du site permet rarement de savoir ce que ces figures du passé sont devenues... Qu'importe, ça fait quelque chose de tomber sur une photo de cette fille que vous avez fréquenté de la 6ème à la terminale...

Mais le nom de trop est apparu, celui qui a rendu cette nostalgie vraiment douloureuse, celui d'un ami d'enfance. Avec S., je partageais ce que nous appellions "Le secret". A l'âge où ce secret aurait pu devenir vraiment délicieux, nous ne nous fréquentions plus, pour des raisons que je ne saurais même pas vous expliquer. Que c'est loin, aujourd'hui...
Je ne veux pas provoquer une émotion facile, plaquer sur mon discours un violon larmoyant. Mais j'aimerais pouvoir vous dire, comme pour les autres Spectralia, que je ne sais pas ce qu'il est devenu.

A S.

G.

Les femmes entre elles

Ce matin, nous avons reçu la visite au collège de notre collègue d'EPS qui se remet tout juste de sa natalite, avec sa petiote de deux mois. Dès qu'une collègue entrait dans la salle des profs, la traditionnelle mélopée des louanges connaissait un nouveau couplet, à peine différent du précédent.
Ô merveille, qu'elle est jolie !
Ô merveille, qu'elle est mignonne !
Ô merveille, que ses yeux sont bleus !

Sur le chemin du retour, j'ai appris que ces demoiselles étaient plus émerveillées - comprenez jalouses - par la silhouette svelte de la maman que par la petite chose joufflue...

G

Khoyot fait son Pivot

L'ami khoyot se réveille parfois avec un mot suranné ou recherché en tête. Le vocable qui s'invite ainsi dans son esprit n'a de cesse de le hanter jusqu'à ce qu'il le partage. Par le blog, Khoyot espère s'en libérer plus vite. Aidons-le en employant aussi dans nos articles, toujours à bon escient, ces mots obsédants.
Il serait trop facile de caser ici le mot du jour (enfin, celui d'hier!). Je m'engage donc à le réemployer ailleurs.

G.

16 janvier, 2006

Bleu Picardie

La journée ne partait pas pour être excitante - oh, rassurez-vous, elle ne l'a été ensuite que modérément. Certes, j'échappais à la routine, puisqu'en lieu et place de mes cinq heures au lycée, j'avais une formation à Amiens (relâche pour la C3). Mais avouez que quitter le bahut pour se retrouver enfermé avec une assemblée de profs de lettres, à écouter monsieur l'inspecteur général - et ami de l'auteur - soliloquer sur une oeuvre hermétique, c'est l'ombre d'un fantôme de l'illusion d'un changement.

Autant évacuer tout de suite la question : à propos des Planches courbes, d'Yves Bonnefoy, j'étais dans l'inconnu; je suis désormais dans la panique. Pour être honnête, l'effroi m'a saisi durant la matinée. L'intervenant de l'après-midi, excellent, m'a rendu presque impatient de me frotter à l'oeuvre en compagnie de mes terminales (on a les vices qu'on peut). A l'heure de la pause déjeuner, je fonçai en ville pour acheter fissa le recueil - que je me suis senti bécasse, le nez en l'air, quand tout un chacun l'avait bien docilement plaqué sur "Rauques étaient les voix/ des rainettes" ! En remontant vers le site de la formation, je m'achetai aussi un sandwich. Mon parcours parfaitement ficelé tenait même compte des contingences biologiques, puisque la gare m'offrait ses commodités. Voyant qu'il me restait un peu de temps, pas franchement réjoui par la perspective de faire le pied de grue devant une porte sans doute fermée, je ne quittai pas la gare aussitôt et m'assis sur un banc pour feuilleter le livre. C'est une expérience à tenter, de se heuter à un tel texte dans l'agitation d'une gare, entre deux bribes de conversations édifiantes. A un moment, le découragement vous gagne, et vous vous dites : "mais ça a quel sens, d'être prof de lettres?"
*
* *
C'est le moment que choisit un charmant jeune homme pour vous aborder. Ce genre de situation est d'emblée hautement suspecte. On rationalise, et au moment où il ouvre la bouche - en plus, il a une jolie voix grave, le bougre - on s'est déjà convaincu qu'il va vous demander où se situe le quai 9 trois quarts. Au lieu de ça, il part dans un discours assez compliqué - du moins pour mon esprit qui n'a pas décollé du cri rauque des rainettes - dont je ne saisis qu'une poignée de mots : contrôleurs, vous, grève, france, bleu, picardie. J'aurais dû me méfier de son ton pédagogique : voilà qu'il braque sous mon nez un micro! Avant même de comprendre ce qui m'arrive, je me retrouve embarqué dans ce genre de micro-trottoir grotesque où les gens n'ont que des poncifs à user et des jugements à l'emporte-pièce à saillir. Je me suis toujours demandé comment quelqu'un de sensé pouvait accepter ce genre d'humiliation, s'imaginer que son avis étriqué pouvait intéresser le monde. Maintenant, je sais comment ça se passe : on ne décide de rien.

Je commence à parler en me demandant comment je vais poliment décliner son invitation, lui faire comprendre que je ne suis pas qualifié pour lui répondre vu que je ne sais même pas de quoi il parle. Il me semble même que mes premières phrases traduisent bien mon peu d'enthousiasme pour la question. Pourtant, gentiment, mèche ondulante et oeil malicieux, le jeune captateur de pensée me guide, je le sens bien, là où il veut me conduire. Alors, quel diable m'a emporté, j'ai parlé en toute méconnaissance du contexte en pensant à chaque instant "tu vas encore donner une image déplorable du Français moyen, donneur de leçons" ou alors "on pourra t'appeler Bidochon". J'ai parlé et, encouragé par les amples hochements de tête de mon intervieweur ravi d'obtenir les clichés qu'il était venu puiser, j'ai parlé encore, sans être bien sûr de penser vraiment ce que je disais. Sans être sûr, au fond de ce que je disais...
Lui : "Une dame me disait que la présence des contrôleurs dans le wagon la rassurait, qu'est-ce que vous en pensez?" (regard appuyé)
Moi : "Personnellement, je ne me suis jamais senti particulièrement rassuré par la présence des contrôleurs" (le con!)
Lui (oeil complice et grand mouvement de la tête) : "au contraire, non?"
Moi, flairant le piège : "euh... ils font leur travail, quoi (navrant, hein?). Mais euh... je ne pense pas qu'ils garantissent la sécurité dans les trains"
Lui (grand sourire, voix chaude - il ne pouvait pas se contenter de me draguer, le con?) : "cette dame disait que l'impression de ne pas être seule dans le wagon la réconfortait"
Moi : "On va dire qu'ils ont une puissance symbolique, alors"
Rappelez-moi de quoi on parlait, déjà? Lui a l'air amplement satisfait.
"Je peux vous demander votre prénom et votre âge". Stupide jusqu'au bout, je donne les vrais (saucisse en croûte, saucisse en croûte!). Il finit par me demander, hors micro, si j'attends un train. Je mens en disant que j'attends quelqu'un; par souci de vraisemblance? Surtout par souci de ne pas m'enliser dans le burlesque en avouant que je n'étais entré dans la gare que pour pisser! Je n'allais quand même pas briser le mythe de l'usager geignant sur un quai de gare. Même ma volonté de ne pas porter de jugement frisait le grotesque. Y a pas à dire : c'était du grand Guillaume.

Il s'est éloigné, sans même interroger mes voisins (pas assez WASP, sans doute). Je me suis éloigné en catimini, avec un bête scrupule : je ne voulais pas qu'il s'aperçoive que je n'attendais personne... Je tiens ici à présenter mes excuses à toutes ces victimes du micro-trottoir que j'ai agoni d'insultes parce qu'ils débitaient des truismes. Je ne savais pas que le piège était si bien huilé! Qui voudrait mécontenter un joli reporter?

G.

14 janvier, 2006

Les aventures de Gajakarna 3

Et pour finir, Gajakarna avec son "petit"- ami Nounours, fraîchement recousu (nous gardons les photos chaudes sous le coude, pour les amateurs d'interbestialité) :

Les aventures de Gajakarna 2

Revoici le Seigneurs aux oreilles d'éléphant couronnant un athlète vainqueur :

Les aventures de Gajakarna

Nous avons adopté Gajakarna il y a à peine un mois, mais il s'est parfaitement adapté à son nouvel univers. Jugez plutôt :
Gajakarna et Stuart (débordant d'amour)

Je connais la vie, tu sais

Mon regard atterré se pose sur une élève de terminale qui, avant que le cours ne commence, fait mine de lancer une boule de papier sur sa voisine. Prise sur le fait et de honte, elle rit et rougit. J'accompagne son humiliation d'un petit commentaire, en bon pédagogue:
"Je me dis quelquefois que plus les élèves sont âgés, moins ils sont mûrs".
Grondement de fausse indignation de tous ses camarades. J'en prends acte :
"Rassurez-vous, le phénomène s'accentue après le lycée".

Je sens alors vingt-quatre paire d'yeux, mi-amusées, mi-incrédules, se poser sur moi qui peine à feindre le sérieux. Du lard? Du cochon? Mais qu'est-ce qu'il fait de ses soirées au juste, le prof de littérature?

G.

Des Romeo et des Juliettes...

...comme s'il en pleuvait.
A l'intercours, J. se rue vers les fenêtres : son petit copain du moment sort du lycée. Ce faisant, elle se cogne violemment contre un contrefort du mur.
"N'allez pas vous blesser!" lui conseille judicieusement son professeur d'un ton docte, recommandation louable et parfaitement inutile. La jeunette de rétorquer, d'une conviction passionnée qui n'aurait pas détoné dans un soap : "Je ferais tout pour lui!"

Ben, ça promet...

G.

13 janvier, 2006

Spectralia 2

Ce net-journal fait long feu. Tant par les visites qu'il reçoit que par les articles écrits. A mon rythme, cependant, je complète ma mémoire...

Sarah est une autre figure de mon passé. Je débarquais tout juste en hypokhâgne et jouissais de la réputation non-usurpée d'être peu liant. Je ne veux pas dire par là que j'étais une mayonnaise ratée, mais que, timide et peu à l'aise socialement, je n'étais pas enclin à aller vers les autres. Pourtant dans certaines circonstances critiques, on peut se sentir très proche de qui partage notre sort : quand on passe le permis de conduire ou lors d'un séjour à l'hôpital, on a l'occasion de le vérifier. Il est des amitiés troublantes qui naissent comme des évidences.

Un jour de rentrée dans une ville inconnue, dans le monde un peu flou du post-bac, c'est ce qu'on appelle une situation critique. Pourtant, je ne faisais pas tout seul ce grand pas : j'avais à mes côtés deux proches amies (qui auront droit à leurs spectralia respectives) et une vague connaissance dont j'étais persuadé qu'elle me prenait pour un con et de la bouche de laquelle j'appris plus tard que je l'intimidais juste un peu - une constante de ma vie sociale adolescente : j'avais tendance à imaginer un peu vite qu'on me méprisait allègrement. Ce travers m'est-il passé, du reste? Laissons la question en suspens, ou nous n'en finirons pas.

En ce jour de rentrée au lycée Infini, mes deux amies ont passé beaucoup de temps ensemble - elles n'imaginaient pas alors que leur amitié ne survivrait pas à une trop grande proximité. Je me retrouvai donc en tête-à-tête avec mes angoisses. C'est alors que Sarah est entrée dans ma vie. La rencontre fut si naturelle, l'intimité si immédiate que tous les autres nous imaginaient complices depuis des lustres. Nous nous étions juste trouvés au bon moment. J'avais le sentiment de pouvoir dépendre d'elle sans avoir le sentiment de jouer les ventouses; sans doute était-ce parce qu'elle avait compris qu'elle pouvait un peu se reposer sur moi. Les garçons qui aiment les garçons, Sarah les appelaient des Canada dry : la couleur de la bière sans en avoir l'amertume. Elle fut la seconde amie à apprendre que j'appartenais à l'immense famille des sodas.

Nous avons fini par nous éloigner. Plus tôt que je ne l'aurais cru, puisque nous avons continué de nous côtoyer sans retrouver cette force des débuts, comme c'est souvent le cas. J'étais peut-être un peu volage en amitié : son amour pour la langue allemande, amante ingrate qui la malmenait parfois, lui prenait beaucoup de temps. J'ai fini par aller voir ailleurs (je suis allé me faire voir chez le Grec et un autre groupe de filles). Est-elle là, l'explication de cette fin ou est-ce une fiction de ma mémoire? Pourrais-je m'avouer que cette amitié-là avait un petit goût de Canada dry?

Je te dois pourtant de la gratitude, Sarah, et beaucoup de tendresse. C'est l'objet des Spectralia.

G.

Ooga Booga, Mitch!

Grand merci à Stéphanie pour ce grand moment bidesque, tout en harmonie et en couleurs. Cliquez ici... euh , pour le son et lumière.

12 janvier, 2006

La fête du roi

Pensant que j'étais le remplaçant de leur prof de français, des ribambelles de lycéennes m'ont dévoré de leurs regards gourmands...
Pour rendre mes cours plus punchy, D. m'a suggéré de faire un strip-tease. Au moment où les petites Euménides d'Electre montrent leur derrière au jardinier, j'aurais dû faire de même...
En sortant du collège de Patelinvillers après la galette des rois tristement partagée entre sept pélerins, j'ai eu l'impression d'oublier quelque chose. "Ton slip?" m'a lancé A., goguenarde.

Mais qu'est-ce qu'elles ont toutes?

G.

07 janvier, 2006

Exercice de pédagogie appliquée 2.

Lorsqu'on étudie le conte en 6e, on utilise un outil qui s'appelle le schéma narratif dont la première étape s'appelle la situation initiale.
Comment faire pour faire comprendre aux élèves ce mot d'initial?
On leur parle des initiales d'un nom et on demande - sans malice - quelles sont les siennes à Pauline D.

V. le finaud

06 janvier, 2006

Male Love

Bartolomeo Cesi
(1556–1629)

Metaphysis 3

Pourquoi les gens me dévisagent-ils quand je trempe mon pain dans du jus d'orange?

G.

Spectralia 1

J'inaugure une nouvelle série d'articles consacrées aux fantômes de mon passé, à toutes ces figures qui ont compté pour moi des années, quelques mois ou une poignée d'heures, mais qui tous à leur façon ont mérité une petite part de mémoire. Je n'ai plus de contact avec eux et des retrouvailles seraient probablement vaines, voire douloureuses : quand quelqu'un a été pour nous essentiel, comment accepter que le revoir furtivement ne restaure pas sur le champ une vive et indéfectible amitié? Mûrir, c'est accepter que les choses ne soient pas telles qu'ont les voudraient. J'ai fini par l'admettre, moi aussi; mais je garde dans ma mémoire un petit autel pour ceux qui ne pensent plus à moi quand je pense encore à eux - en espérant que ceux qui pensent encore à moi alors que je les ai déjà oubliés pensent à fleurir quelquefois mon souvenir.

Il va de soi que ces spectralia seront rédigés au passé.

Ornella était italienne, mais avait échoué en Normandie par amour. Depuis, elle avait changé de petit ami, mais pas de pays. Comme moi, Ornella est devenue professeur de lettres classiques, et nous avons effectué notre stage dans la même ville. Avouez que prof de français, pour une citoyenne italienne, c'est quand même la classe internationale... Comme moi, Ornella avait un peu de mal à se faire à son nouveau statut, à s'affirmer face à ses élèves. Avec moi, que de fous-rires elle a partagés! Le soir, quand nous rentrions de formation et que nous quittions Saint-Lô à toute hâte (qui connaît Saint-Lô comprendra cette impatience!), nous évoquions nos fringales de jambon fumé. Elle était vraiment délicieuse...
Délicieux aussi ce lapsus qu'elle fit en présence de ses élèves et qui montre combien il est difficile de revêtir les défroques de professeur. Alors qu'Ornella faisait cours, elle entendit des chants provenant du couloir. Elle demanda à ses élèves ce que c'était. Il s'avéra qu'en cours de musique, les élèves créaient leurs propres chansons. Une vague d'enthousiasme submergea alors la classe :
"Et nous madame, est-ce qu'on pourra aussi écrire des chansons avec vous?
_ Est-ce que vous croyez que je suis votre professeur de français?" s'embrouilla-t-elle en roulant les "r" de son accent exquis.

A dire vrai, quoique titulaires du CAPES, nous ne l'étions pas encore vraiment. J'imagine que, comme moi, elle l'est véritablement devenue.
Pourvu que tout se passe bien pour toi aussi, charmante collègue! Songe à moi quand tu savoureras une prochaine tranche de jambon de Parme!

G.

05 janvier, 2006

Béguin

Ne le répétez surtout pas à mon homme, mais le charmant jeune homme qui joue Oreste dans l'Electre de Giraudoux mise en scène par Claudia Morin est une petite merveille...

G.

Le Seigneur des Anaux

Je m'excuse de ce calembou de mauvais goût, mais il est tellement idoine (allons-y pour idoine) que je ne peux pas en faire l'économie.
Suis-je le seul à voir dans le Retour du Roi (3ème volet cinématographique du Seigneur des Anneaux), le récit initiatique homosexuel de Frodon et Sam ( et tant qu'on y est de Pérégrin et Merry, de Gimli et Legolas...)? Multiples regards tendres du demi-homme pour son valet, oeillades à n'en plus finir. Mais ce rustaud de Sam est indécrotablement bisexuel : il se marie avec une ribaude et Frodon lui fait cette recommandation on-ne-peut-plus explicite : "ne sois pas déchiré en deux". Franchement, sauf à parler gaudriole, je ne vois pas ce que cette remarque fout dans le film!
Question aux courageux qui ont lu Tolkien (si possible en V.O. - on sait les traducteurs français timorés) : Est-ce pareil dans le roman? Ou est-ce tout simplement moi qui débloque?

G.

03 janvier, 2006

Obsession

Constat effrayant : dans mes rêves, je note encore tout ce qui m'arrive pour alimenter mon blog- et dans des rêves, croyez-moi, il en arrive de drôles de choses, surtout avec un peu de fièvre!

G.

Souvenir de Noël

Un 24 décembre. Celui de mon année de CM2, je crois. J'étais fébrile. La matinée ne passait pas assez vite. Les Malheurs de Sophie en téléfilm ne suffisaient pas à donner un bon coup de fouet au temps... Quelle impatience de voir enfin mes écureuils de Corée, l'unique cadeau qui figurait sur ma liste!
Je ne pourrais pas vous dire comment était né ce désir. Sans doute étais-je un peu jaloux des hamsters de mon frère - notez bien que je ne voulais pas du même animal : je voulais faire ma différence, mais pas trop quand même... Ce qui est certain, c'est que l'envie était impérieuse, obsédante. J'étais un garçon de lubies, et je pense l'être resté. Je m'enflamme assez vite pour tel ou tel objet; alors mon esprit tourne en boucle, à toute allure mais pas toujours pérennement... Et dans ces moments-là, mon corps ressent le besoin de se mettre en mouvement lui-aussi : il a toujours accompagné mon intellect ou mon affect dans leur bouillonnement.
A neuf ou dix ans, j'offrais déjà les symptômes de cette manie. J'allais et venais entre le salon et la cuisine où oeuvrait ma mère. Mon homme aurait dit de moi que je toupinais... Pour me déchargeais un peu de mon excitation, je fis part à ma mère de mon impatience. Quel chagrin lorsqu'elle me dit doucement que rien n'était sûr, que je ne savais pas encore quel serait mon cadeau! Il ne fallait pas tenir ainsi les choses pour acquises. Après tout, un animal, c'est beaucoup de responsabilités... Je ne sais pas quelle figure fut la mienne à l'écoute d'un tel discours qui signifiait forcément que je pouvais dire adieu à mes rêves d'écureuils... Pourtant, je ressens encore le picotement et l'ascension des larmes que je versai en secret.

Aux alentours de minuit, je baptisais du nom de Tic et Tac mes deux écureuils. La joie fut à la hauteur de la déconvenue du matin. C'était une belle leçon que d'accepter de ne pas avoir de certitudes. Au printemps, mon père éleva une volière au fond du jardin pour offrir aux deux rongeurs un vrai petit palais. Ils s'y plurent tant que - fait rarissime en captivité - Tic donna naissance à des petits. Il y avait là Tuc, Toc et Tigrec. Quel bonheur de rentrer dans leur immense cage, d'être entouré de toute cette virevoltante famille! Quelle galère aussi quand l'un d'entre eux profita d'un moment d'inattention pour s'aventurer au dehors! Il fallait être vigilant et rentrer au bon moment, sous peine de traquer le rongeur dans le jardin... Là encore, la leçon fut apprise.

Pourquoi ai-je ressenti si vivement le désir d'élever ces écureuils? Connaît-on jamais le mécanisme de nos envies? Je sais en revanche ce qui y a mis fin : l'immense dégoût qui suivit la mise à mort du père par sa progéniture incestueuse... Je ne pus plus jamais témoigner à mes écureuils le dévouement naïf de mes neuf ans.

G.

02 janvier, 2006

Âme de Cioran

Le blog est un digne reflet de la vie. Il est sans intérêt.

G.

Mystère maternel

Comment peut-on aimer à la fois Montaigne ET Cioran?

G.

Metaphysis 2

Que pensent-ils de moi, tous ? En pensent-ils seulement quelque chose?

G.

Metaphysis 1

Se recentrer sur l'essentiel. Oui, parfait.
Mais au fait, l'essentiel, c'est quoi?

G.

01 janvier, 2006

Nouveau départ

Bonne année à tous. Quai de Somme rouvre ses portes, après des fêtes bien peu réparatrices, mais bienvenues! Si les publications ont été rares, les idées ont germé et devraient donner lieu à bon nombre de petits écrits. Bonheur et joie à nos lecteurs.