23 janvier, 2006

Ab origine

La scène a déjà été jouée trois cent fois à la cantine du collège de Patelinvillers : très à l'aise dans son rôle d'homme du cru, M. se pose en Picard pure souche... Histoires drôles avec l'accent, les vocables assortis et une bonne couche d'autodérision quand il note le comique de ces gens qui s'efforcent de parler un français standard, mais ne peuvent s'empêcher de conclure par un hein! ou un quoi! bien senti, rattrapés par leurs racines.

Me sentant plus de dispositions naturelles pour l'ombouligue que pour la boudinette, j'ai tôt fait de me lasser de tout ce folklore picard. Ce n'est pas du mépris, même si cet accent m'agresse et qu'il est, quoiqu'on en dise, socialement très marqué (cf.supra). Les cottes à bertelles et les laparis (?), ça va bien deux minutes. Lorsque mes collègues, à 80% couleur locale (couleur... betterave... que j'aime ta couleur...) remarquèrent mon peu d'enthousiasme, la fantaisie leur prit de m'interroger sur les variantes normandes. Je leur répondis d'un ton sans appel - histoire de passer pour le snob de service, une fois de plus- : "Je ne sais pas, je ne suis pas normand". En une poignée de mots et de secondes, j'avais balayé un mythe patiemment édifié depuis trois ans et demi, reniant mon amour du cidre devenu proverbial au collège. Venant de Basse-Normandie, il me semblait logique d'être qualifié de "normand"; n'était-il pas préférable de passer pour tel que pour un picard (quelle origine peut inspirer davantage de pitié?)?

J'entendis alors le conseiller d'orientation-psychologue (très) remarquer : "il (comprendre ma pomme) doit avoir un problème d'identité".
Même si je n'ai pas goûté l'usage de la 3ème personne, force est de reconnaître qu'il n'a pas tout à fait tort : je me suis bâti une identité régionale de toutes pièces, sans jamais douter qu'il s'agisse d'une façade. Alors bien sûr, il m'arrivait de dire "Heu là, qu' chuis gêné" (enfin, pas trop) et d'ouvrir une porte en appuyant sur la clenche. Bien sûr que j'usais du normand "ça va le faire", idiome récupéré par le jeunisme. Mais de là à couler un pull, ne comptez plus sur moi! En vérité, je suis le pur produit d'une France jacobine, centralisée, standardisée, lissée et botoxée : en un mot, a-régionale. Les prétentions indépendantistes, à mes yeux incompréhensibles, m'effraient quand elles ne m'amusent pas.

Mais qui pourrait m'en blâmer? Mon grand-père maternel est né en Indochine de mère italienne; ma grand-mère maternelle est ardéchoise et provençale. Fille d'officier, ma mère n'a cessé de déménager dans son enfance, y compris de l'autre côté de la mare nostrum. Mon grand-père paternel était bougnat; ma grand-mère paternelle parisienne avec des ascendants bretons. Quant à moi, je suis né en région parisienne, tout aussitôt quittée pour la Normandie. Alors, votre verdict? Je suis quoi, moi?
Les particularismes du terroir ne sont définitivement pas pour moi!

G.

10 commentaires:

Alcib a dit…

À Maurice Barrès, auteur des « Déracinés », qui s'était fait l'âpôtre du « racinement » (de l'attachement au sol natal), André Gide répondit - et sa réponse semble donc toujours pertinente : « Né à Paris, d'un père uzétien et d'une mère normande, où voulez-vous, Monsieur Barrès, que je m'enracine ? »

Rafaele a dit…

Tu es un snob !!! :o)

Alcib a dit…

« Les prétentions indépendantistes, à mes yeux incompréhensibles, m'effraient quand elles ne m'amusent pas. »
Et si la France était gouvernée de Berlin, la réflexion serait la même ?
Moi, ce qui me frappe, c'est que ce sont habituellement ceux qui ont qui ne voient pas la légitimité du désir de ceux qui n'ont pas d'avoir enfin. Comme si, à chaque fois, l'aspiration des collectivités à gérer leurs propres affaires devait cionstituer une menace pour les autres...
Ce qui me frappe, c'est que ce sont habituellement les riches qui disent aux pauvres que « l'argent ne fait pas le bonheur » !

Les Pitous a dit…

attends voir, Alcib! les Bretons sont français depuis des siècles et des siècles! Ils ont été sur-subventionnés par l'Etat : leur région est passée du statut de quart-monde à celui de région en pointe! Leur langue est une reconstruction globalisante : on a voulu faire d'une multitude de dialectes une seule langue... soit. De là à se prendre pour une Nation C'est facile de se couper de la Mère-patrie quand c'est elle seule qui vous a donné les moyens de vos prétentions indépendantistes.
Encore une fois, elles sont à mes yeux incompréhensibles, ces prétentions parce que la France est à mes yeux une nation, ce que n'est pas encore l'Europe. Maintenant, dans quelques siècles, la France sera peut-être gouvernée par Berlin, sans que ça choque le plus grand nombre. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire!

Les Pitous a dit…

Raf > ça me rappelle que certains camarades khâgneux m'appelaient "monsieur". MDR

Alcib a dit…

Cher Pitou G, l'expression « les prétentions indépendantistes » est assez souvent employée par des membres de cette Nation qu'est la France pour condamner les aspirations légitimes, à mes yeux, des Québécois, qui sont une Nation, à se faire reconnaître comme telle... Je respecte tout à fait la nation française comme le principe d'intégrité de son territoire... Sauf qu'ici, dans cette phrase sur « les prétentions indépendantistes », je me suis senti personnement visé. Mais je suis bête ! : j'oublie toujours que la situation politique du Québec n'intéresse pas grand-monde en France, si ce n'est pour qualifier de ringard ce combat des Québécois pour maintenir en Amérique du Nord l'existence du seul état francophone... Et j'oublie aussi que pour l'Hexagone, le mot « francophone » est aussi ringard...

Les Pitous a dit…

pour être franc, c'est vrai que je ne pensais pas du tout au Québec. MAis tien, ce matin j'ai écouté d'une oreille attentive les info sur les récentes élections.

Anonyme a dit…

"couler un pull" c pas du tout normand ça tu sais!!!lol R.

Les Pitous a dit…

Tu parles en haut (comprendre faux) normand. Je t'assure que ça se dit dans l'Orne!

Anonyme a dit…

Peut etre mais alors vraiemtn au fin fond de la campagne entre Perpette et Trifouilli les Oies... :) R.