19 mars, 2006

De la dictature

Ou comment faire goûter les joies de la démocratie aux enfants par un emploi modéré de la pédagogie de la terreur.
Jeudi après midi, sonnerie de fin de cours pour MES 6e (le professeur principal possède ses élèves, comme au bon vieux temps des serfs). Je rappelle que j'en vois une partie à 8h le lendemain, avant de basculer dans une autre dimension: des huées me répondent. L'instant de sidération passé, je couvre le brouhaha général de toute la puissance (maîtrisée) de mes cordes vocales et annonce des représailles collectives pour le lendemain tant que je ne connaitrai pas les coupables.

Vendredi matin, 9h. Acte I. Châtiment
Les élèves entrés restent debout pendant que je les engueule copieusement.
J'annonce la sanction collective, volontairement bête: recopier le dernier texte étudié.
"En entier??? s'exclament plusieurs élèves en même temps.
- Deux fois, réponds-je après un silence. Et je ferai recommencer s'il y a une erreur de copie.
Par ailleurs je colle toute la classe jeudi matin de 8h à 9h. Peut-être cela vous fera-t-il réfléchir lorsque dans un instant vous remplirez le petit papier où vous me direz ce que vous avez vu et entendu.

Acte II. Délation
Je fulmine, le regard noir, pendant que les petits crayons s'agitent. Décapite l'imbécile qui demande à son voisin l'orthographe d'un nom. Avant de lire les billets, j'annonce:
"Exercices, page 108.
- Lequel?
- Tous."

Acte III. Confrontations
Recoupements. J'appelle les accusés dans le couloir. Aveux, dénis, petits mensonges, yeux humides. Bruissement dans la classe, porte ouverte:
- Si je vous entends encore, je ramasse et je note!
La sonnerie de la récréation retentit. Je fais mariner mes petits harengs, qui suent toujours sur leurs exercices, les appelant un par un pour les autoriser à sortir, laissant les coupables bûcher encore un peu.

Conclusion: enseigner en collège nécessite une bonne dose d'énergie et de théâtralité. Il faut (faire semblant d') y croire pour être crédible.

V.

2 commentaires:

Alcib a dit…

Ouille ! Je suis content d'avoir quitté l'école, moi ! ;o))
C'est vrai que de se faire gronder par une voix de ministre, ce doit être impressionnant. Tiens, ça me donne une idée : un jour, je me ferai passer pour le chef de cabinet pour pouvoir entendre la voix du ministre ;o)

Les Pitous a dit…

Je ne sais pas où la collègue de G. a été pêché que j'avais une voix de ministre... j'ai encore dû répondre avec une voix théâtrale - déformation professionnelle - so manly, honey!

V.