06 janvier, 2007

Spectralia 6

Cette spectralia sera consacrée à trois anciennes amies originaires d’une même ville (sur le principe des spectralia, voir ici). Je les ai rencontrées à l’époque où j’étais étudiant au lycée Infini. J’ai eu l’occasion de les revoir – et je l’aurai encore – mais l’intimité a fait place à plus ou moins d’indifférence, voire de rancœur. Pourquoi ? Mais comme toujours, par une suite négligeable mais fatale de riens.
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- Tilda a beaucoup compté pour moi. De notre petit groupe d’hypokhâgneux, elle passait pour la plus fragile. Stress, crises de tétanie, accès morbides… La prépa était pour elle des plus toxiques ! Aussi, tout le monde veillait un peu sur elle. Rien ne la faisait plus rire que de me voir faire le chat (ouais, j’étais un peu toqué, moi aussi). Par certains aspects, elle me rappelait une amie de ma mère, ce qui achevait de me la rendre chère.

Elle s’épargna une deuxième année de prépa, mais je continuai de la voir épisodiquement dans sa chambre U, avec grand plaisir, mais dans des circonstances souvent étranges… L’année suivante, je la retrouvai à la fac, en de rares cours communs. Déjà, de la distance.

Lorsqu’elle s’est mariée, elle ne m’a pas invité. Cela se conçoit. Quand on sait qu’elle y a convié des gens qu’elle n’apprécie pas, cela se conçoit moins. Que je n’ai reçu aucun faire-part, ça, je ne le conçois plus du tout. Ça peut sembler un sursaut d’orgueil, et ça l’est sans doute, mais ça m’a laissé chagrin. Après tout, vous connaissez un meilleur prétexte q’un mariage, vous, pour renouer contact ? À ce moment, j’ai décidé de la rayer de ma vie. Et voilà qu’un an et demi après, elle me revient en rêve sous l’identité de Mme Rose, ma nouvelle banquière…

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- Fausta passait pour une fille peu commode carrément glaciale. Objectivement, notre 1ère rencontre aurait dû me la faire détester : elle avait passé la soirée à faire la gueule, sans desserrer les lèvres, que ce fût pour parler ou sourire. Son aspect hautain l’a tout de suite distinguée à mes yeux.

Nous sommes devenus très proches, un peu plus tard. Lors de mon année de maîtrise, à un moment de ma vie où j’ai, quoique bien entouré, le souvenir d’une grande solitude, nous avons passé beaucoup de temps tous les deux, rien que tous les deux. Comment peut-on devenir complices aussi vite ? Puis si vite étrangers à nouveau ? Se souvient-elle seulement qu’elle a compté pour moi ? Se souvient-elle seulement vraiment de moi ?

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- Les raisons qui me tiennent éloigné de la troisième sont assez différentes. Son parcours l’a amenée à l’autre bout de la France, et même au-delà. Elle est de toute façon d’un naturel un brin fantasque qui la pousse à apparaître et disparaître. Même dans de profonds moments de déprime, je lui ai toujours connu un abord jovial.

On l’appelait Myopatha (c’est mal !), parce que sur sa photo d’identité, l’inclinaison de son menton évoquait un handicap lourd. Depuis que je l’ai rencontrée, je l’ai toujours et inlassablement entendu répéter qu’elle ne serait jamais prof et l’ai toujours vu persister dans des études qui ne pouvaient mener qu’à ça. Chapeau à la demoiselle qui est cependant devenue tout autre chose ! Rien de bien surprenant, quand on connaît ses ressources : ses disserts n’étaient jamais déshonorantes, bien qu’elle les ait toujours griffonnées sur un coin de table pendant la pause-déjeuner.

De ces trois filles, Myopatha est sans conteste celle avec laquelle j’ai été le moins intime et celle que je reverrai avec le plus de plaisir. À chaque fois que je l’ai recroisée, j’ai passé un moment très agréable, car pur, sans doute, de tout regret.

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À la relecture de toute la série des spectralia, j’éprouve un fort sentiment de gâchis. Que je sois facilement enclin à la nostalgie, ce n’est pas un scoop. Mais il y a autre chose qui émerge en moi ces temps derniers, qui mériterait un article à part. Je crois que je porte en moi une force qui m’isole et fait de moi l’artisan inconscient du désert qui m’entoure.

G.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Un an jour pour jour entre les spectralia 1 et 6. Joli! Dis-moi que tu l'as fait exprès!

Anonyme a dit…

Prudence mon Pitou, désertifier son entourage, ça pousse sur une pente très auto-destructrice, c'est pas bon, crois-moi ...