21 mai, 2007

Patate véreuse

Madame Patate nous a demandé de sélectionner chacun un coup de coeur poétique. Constatant qu'elle avait choisi le poème fétiche de son adolescence romantique, j'ai eu envie d'ouvrir la fameuse pochette rouge qui contient mes reliques de khâgneux, pour en exhumer les poèmes que j'avais affichés dans le sinistre cagibi verdâtre qui me tenait lieu de chambre d'internat.
Sur mes murs, il y avait donc, parmi mes propres vers (voilà des lustres que je n'ai plus écrit sérieusement), des extraits de poètes plus reconnus.

Et là, c'est vrai que c'est dur de choisir - et encore, je vous épargne les poètes en kit antiques. Quel est mon plus gros coup de coeur? "Mon Amante a les vertus de l'eau" de Segalen? Une des Chansons de Bilitis, de Pierre Louys (c'est pas comme si c'était du vrai antique, hein, c'est de l'imitation... j'aime bien le style fausse traduction, je sais, je ne suis pas normal)? Je suis aussi un grand amoureux de la poésie baroque, pour le peu que je m'y connaisse ("hélas! qu'est-ce de l'homme...").

Même si ce sont des textes magnifiques, je crois que le plus emblématique est celui que j'ai appris par coeur pour mon seul plaisir. Et puisqu'il faut n'en garder qu'un, Honneur aux dames :

Tant que mes yeux pourront larmes épandre
A l'heur passé avec toi regretter,
Et qu'aux sanglots et soupirs résister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre ;

Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard luth, pour tes grâces chanter ;
Tant que l'esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toi comprendre,

Je ne souhaite encore point mourir.
Mais, quand mes yeux je sentirai tarir,
Ma voix cassée, et ma main impuissante,

Et mon esprit en ce mortel séjour
Ne pouvant plus montrer signe d'amante,
Prierai la mort noircir mon plus clair jour.

Loyse Labé, Sonnet XIV

Bon, du coup, je n'ai pas fait dans l'originalité. Mon homme fera peut-être mieux!

G.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

rhooo cébô cébôôôoooo
(Ouais, ça c'est du commentaire!)

Anonyme a dit…

Superbe poème! Mais nous n'avons pas fait de Loyse Labé cette année en hK. Par contre, du Mallarmé et Saint John-Perse, on en a dégusté!

Les Pitous a dit…

Madame Patate=> Pas mieux!

Incitatus=> Petite veinarde! Votre prof vous a réservé les poètes réputés les plus hermétiques! Je ne me suis jamais frotté à Saint John-Perse; mais, au contact des vers de Mallarmé, j'ai éclaté de rire tellement c'était obscur...

Anonyme a dit…

Saint John Perse m'a laissée de marbre, mais j'ai apprécié Mallarmé. Disons qu'à lire, c'est impossible; mais écouter une analyse de notre professeur, voilà qui est on ne peut plus intéressant! J'ai notamment retenu le premier que nous avons étudié: "Sainte" qui se termine sur le superbe vers
"Musicienne du silence"...

Anonyme a dit…

"musicienne du silence"... j'adore!
Sinon il me tardait de saisir ici une évocation des égarées de la pochette rouge...

Didier Goux a dit…

" Et l'unique cordeau des trompettes marines " : parce que c'est le plus rapide à écrire !