22 février, 2006

Dans la pochette rouge 1

Préambule
Lorsque j’étais un adorable khâgneux, je bloggais déjà… en publiant mes articles sur la porte de ma chambre d’internat. C’est même ainsi que j’ai séduis mon homme à mon insu. Mais je ne me propose pas ici de revenir sur la genèse de notre amour. Au début de Quai de Somme, j’évoquais la possibilité de publier ici quelques uns de mes billets d’humeur. J’ai retrouvé chez mes parents la pochette rouge où j’ai entreposé le trésor de guerre de ma khâgne.
Ces billets sont fort longs, pour la plupart, et probablement obsolètes, mais j’ai envie de les reproduire malgré tout. Je ne les retravaillerai pas, si ce n’est en effectuant quelques coupes, en changeant des noms (évidemment). Je ne parle pas des corrections orthographiques ni des limites techniques qui m’interdisent de rendre dessins et effets de calligraphie. Je ne vais quand même pas numériser ces feuilles, non ? Les parenthèses en italique et en couleur signalent des ajouts nécessaires à la compréhension, voire des commentaires. Ah, j’oubliais : soyez indulgents, j’avais 19 ans – le bel âge…
Le premier de ces écrits (c’est le hasard qui décide, de l’ordre, puisqu ’ils ne sont pas datés) a été réalisé en cours de philo, comme bien d’autres. Le contexte a son importance. Je l’avais intitulé :

Compte rendu ethnologique
Par tous les dieux, pris sur le fait. Je dois à tout prix écrire pour ne pas alarmer la prof. Quel gâchis d’encre, de papier et de temps.
La pensée du jour (ou de la nuit ?) : plus l’homme jouit, plus son cri se féminise. Je suis sûr que la sentence ravira Scott (mon voisin de chambre dont je m’étais sévèrement entiché, un genre de croisement entre Scott Bakula et Alf – oui, l’extra-terrestre bouffeur de chat) qui me sert ici d’objet d’études. L’expérience, amusante au début, est cependant vite devenue lassante. Bien sûr, on pouvait se plaire à se bâtir une représentation visuelle de la scène – mais la présence de l’autre me gênait dans cette entreprise (la petite-amie de Scott que nous appellerons Rosa Luxemburg). Je passerai sur les détails que m’a gracieusement fournis mon imagination.
Le jeune homme n’a pas cherché à réduire le nombre et l’intensité de ses soupirs. Ou alors, le cas de ses voisins ne l’embarrasse pas plus que ça, ou alors il y prend davantage de plaisir. Il y a pourtant une idée très forte, très sensuelle et infiniment moins vulgaire que les manifestations bruyantes du coït : faire l’amour dans un silence de mort (mouais, en fait c’est discutable ; j’étais quand même un peu aigri à l’époque). La mise en scène du sieur Scott est une farce grossière dont seules les ficelles sont grosses (et vlan), quand elle aurait pu être tragique. Dommage.
Il y a de fortes chances qu’il aura l’immense toupet de venir me traiter d’impudique et de débauché, moi qui vis dans une parfaite et chaste pureté depuis 2 jours ! Tous ces cris, ce plaisir patent, immiscent dans mon esprit d’étranges et révoltantes pensées : l’amour entre gens de sexes opposés. Ah, les esprits les plus élevés ne sont pas à l’abri d’une invasion de la barbarie. Quand j’ai fait part de cet état à mon objet d’études, il a rétorqué : « c’est plutôt toi qui pourrait nous dégoûter ». En plus d’être injurieux, ce garçon est vraiment étrange. Une vie de rustre amollit la consistance intellectuelle. C’est un drame humain – mais surtout masculin, reconnaissons-le.
(suite à venir)

G.

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