28 juillet, 2007

Fenêtre sur le moabi

La maison ancienne que nous achetons est parfaitement habitable en l'état (c'est stupéfiant, mais il paraît que l'on peut vivre entre quatre murs jaune pisseux). Dès notre première visite, nous avons cependant projeté d'en changer les fenêtres. A l'exception de deux d'entre elles (mais sur neuf, c'est presque un détail), elles sont dans un excellent état. Mais si le verre ancien a des irrégularités charmantes à l'oeil, il offre une performance énergétique qui sied bien mal à nos petits corps frileux. Quelques fenêtres à changer, vous me direz que ce n'est pas du gros oeuvre et qu'on peut s'en tirer pour pas si cher que ça. Sauf que...

Sauf que dans nos petits corps frileux, il y a une conscience écologique en éveil. Déjà, il était hors de question d'affubler notre belle façade en pierre de fenêtres en plastique. Il paraît que ça se fait, même en secteur protégé. Pourtant, dans le genre balafre, on fait difficilement plus moche. Le PVC peut remballer ses vapeurs de benzène et sa blancheur toc, on n'en veut pas. On en a assez vu dans l'appartement que nous quittons (avec finition bas de gamme, style petit "bois" trop court collé de traviole; résidence de standing? les betteraves s'en marrent encore!). Pour nous, ça sera donc du bois. Les choses pourraient en rester là, sauf que...

Sauf que les bois que travaillent les fenêtriers sont de plus en plus souvent des essences exotiques : réputés imputrescibles, offrant une forte densité et un coût inférieur à notre bon vieux chêne vernaculaire. Pourquoi sont-ils moins chers? Prenons le cas du moabi, le bois qu'on nous a proposé : cet arbre gigantesque (jusqu'à 70 m!) limite les pertes à la découpe. Mais qui dit gigantesque, dit arbre séculaire. Et même millénaire (certains spécimens ont atteint l'âge canonique de 2500 ans). Si le problème écologique se limitait à la quantité de carbone destocké pour convoyer les troncs depuis l'Afrique centrale, je vous le dis franchement, je me serais assis sur ma conscience, étant donné le notable surcoût du chêne. Sauf que...

Sauf que le moabi est un arbre sacré dans le bassin du Congo. Il pousse dans des forêts primaires que l'industrie du bois n'hésite pas à saccager pour atteindre ces arbres qui poussent de façon isolée (il n'y a pas de forêt de moabi). La déforestation qu'entraîne son exploitation chasse les gorilles de leur habitat naturel. Mais c'est aussi aux dépens des populations locales (Bantous et Bakas, que l'on connaît mieux sous le nom de Pygmés) qu'on le coupe : il leur fournit des fruits et surtout une huile qui a des applications aussi bien alimentaires que cosmétiques. Je ne parle même pas de la place symbolique et mystique capitale qu'occupe le moabi, ni de son potentiel médicinal. Un argument commercial voudrait que certaines exploitations camerounaises soient en cours de certification pour le label FSC. Suite à cela, de nombreuses ONG, notamment Greenpeace ou les Amis de la terre, remettent en cause la crédibilité de ce label.

Pour en revenir à notre modeste échelon, même si ça fait mal aux bourses à la bourse, même si ça implique de différer une partie des travaux pour absorber la hausse de notre budget huisseries, même si, je l'avoue, j'ai sacrément tiré la tronche devant l'inaltérable fibre écologique de mon homme, nous avons finalement signé pour du chêne. Mais purée! ce que ça douille une fenêtre en chêne de 56 mm d'épaisseur (je tiens à mon crédit d'impôts) et de 2m de haut!

G.

Pour en savoir plus sur cette catastrophe écologique, consultez ces sources très fiables :
Amis de la Terre
Libération Afrique
Novethic
Greenpeace (comment sélectionner des bois qui ne nuisent pas aux forêts anciennes)

5 commentaires:

Didier Goux a dit…

Eh ben... Comme disent les Québécois : vous n'êtes pas sortis du bois !

Catherine a dit…

Je vous approuve à 100 %.

Alcib a dit…

Bravo, Les Pitous, de ne pas marchander avec votre conscience. Le Monde s'en portera un peu mieux.
Quand on voit le cadeau que vient de faire le roi-Sakro au grand criminel Kadhafi, il ne faut surtout pas compter sur lui pour empêcher les commerçants français de piller les forêts sacrées d'Afrique.

Les Pitous a dit…

Ce fut difficile mais le choix est fait! J'en suis ravi, je n'avais pas l'esprit tranquille depuis que j'avais pris connaissance de cet énième méfait écologique...
Merci d'avoir compris, mon Pitou,

L'inaltérable enquiquineur V.

Anonyme a dit…

Mes Pitous, je suis FIERE de vous!